Emmanuel Macron n’a exercé aucun mandat local avant d’être élu président de la République. Cet évènement, unique dans l’histoire politique récente de notre pays, a été présenté par beaucoup de commentateurs comme le présage de ruptures à venir dans le cours de l’action publique vis-à-vis des « territoires ».

La singularité de son profil était elle-même renforcée par l’élection d’une majorité de député·es largement composée de nouvelles et nouveaux entrant·es, dépourvu·es d’ancrage territorial et de toute expérience des mandats locaux. Dans la mesure où il avait « en même temps » fait l’éloge de la verticalité supposément attendue des Français·es et proposé une approche fondée sur l’horizontalité, fallait-il attendre une inflexion significative du cours de l’action publique ?

Alors que la dernière partie du quinquennat est engagée, cet ouvrage examine ce qu’il est réellement advenu de sa promesse de bâtir un « pacte girondin » avec les collectivités territoriales et leurs élu·es. Le pouvoir macronien a-t-il donné naissance à un mouvement de recentralisation, ainsi que le suggèrent ses opposants, ou au contraire, ouvert la voie à une relance de la décentralisation, comme le proclament les discours présidentiels ?

Qu’est-il advenu des perspectives de différenciation territoriale ébauchées durant la campagne et quelles en sont les traductions concrètes ?

Ce livre s’attache à comprendre et à analyser la politique territoriale d’Emmanuel Macron – politique dont l’importance est cruciale dans la perspective de 2022 – à travers neuf contributions rédigées dans un style accessible à tou·tes par des spécialistes de sociologie politique et de l’action publique territoriale.

Collection : Au fil du débat-Études
Parution : 15 octobre 2020
Broché : 272 pages
Format : 16 x 24 cm
ISBN : 978-2-7013-2108-0
Réf. 121816
Prix : 29 € TTC

Sous la direction de

Patrick Le Lidec est docteur en science politique et chercheur CNRS au Centre d’études européennes et de politique comparée de Sciences po (UMR 8239). Spécialiste des politiques de décentralisation, des réformes des collectivités et des finances locales en France et en Europe, il enseigne la sociologie des réformes territoriales à Sciences Po.

Sommaire

Introduction – Emmanuel Macron et les territoires, un Président jacobin, girondin ou « en même temps jacobin et girondin » ?
Patrick Le Lidec

Partie 1Finance et fiscalité : autodiscipline ou discipline imposée ?

  • Chapitre 1 – Le renforcement du pilotage central des comportements budgétaires et fiscaux locaux ou les limites de la confiance (Patrick Le Lidec)
  • Chapitre 2 – Suppression de la taxe d’habitation : une réforme fiscale multi-objectif (Camille Allé)
  • Chapitre 3 – Suppression de la taxe d’habitation : vers un nouveau modèle de financement des services publics locaux ? (Claire Delpech)
  • Chapitre 4 – La « contractualisation » financière entre l’État et les grandes collectivités : vraiment contractuelle ? (Franck Claeys)

Partie 2L’accompagnement institutionnel de la différenciation territoriale

  • Chapitre 5 – Vraiment « girondines », ou plutôt accommodantes ? Les réformes institutionnelles de la mandature Macron (Patrick Le Lidec)
  • Chapitre 6 – Les métropoles-départements ou le rêve suspendu d’un modèle de « simplification » / différenciation territoriale en marche (Patrick Le Lidec)
  • Chapitre 7 – La création d’une collectivité européenne d’Alsace : une mesure de compensation après la fusion des régions (Étienne Schmitt)
  • Chapitre 8 – Le projet de fusion métropole-département Aix‑Marseille-Provence : les contours incertains du macronisme territorial (Christophe Parnet)
  • Chapitre 9 – Réguler les excès de pouvoir de l’intercommunalité (David Le Bras)

Conclusion – Le macronisme et le « pacte girondin », encore à la recherche d’un nouveau monde (Patrick Le Lidec)

Extrait choisi

p. 10 à 12 :
« Trois grandes hypothèses nourrissent cette exploration des réformes entreprises sous la mandature Macron.
Première hypothèse, l’action conduite par le Gouvernement dirigé par Édouard Philippe à l’égard des territoires est loin de former un ensemble homogène. Les orientations suivies en matière de politique budgétaire et fiscale diffèrent nettement de celles prises en matière institutionnelle : un découplage apparaît dès l’élaboration du programme du candidat En marche. Ce programme relève d’une forme hybride et s’efforce de synthétiser des revendications hétérogènes portées par deux grandes catégories d’acteurs : pour faire bref, le candidat tente d’échanger la mise en place de nouveaux instruments de discipline budgétaire à destination des collectivités territoriales (et qui constituent sa priorité stratégique) contre une forme de « pause institutionnelle » (réclamée par les associations d’élus locaux). […]
Ce programme repose alors explicitement sur une dualité de contraintes et de libertés : orientations « en même temps » plus jacobines, en matière budgétaire et fiscale, et plus girondines, en matière d’architecture institutionnelle, laissant augurer d’un découplage relatif dans les orientations suivies.
Deuxième hypothèse, ce découplage entre orientations budgétaires et fiscales et orientations institutionnelles procède d’une stratégie délibérée, nourrie de retours sur expérience, de calculs et de priorités élaborées dès la campagne. À cet égard, l’expérience personnelle d’Emmanuel Macron est d’abord celle d’un haut fonctionnaire ; sa trajectoire l’a amené à participer à des commissions de réforme de l’État sous la mandature de Nicolas Sarkozy, et à prendre une part active (en qualité de secrétaire général adjoint de l’Élysée) à la préparation des arbitrages sous la mandature de François Hollande. Les positions qu’il a occupées l’ont davantage sensibilisé à l’importance des enjeux européens qu’elles ne l’ont mis au contact du monde des élus locaux. Son implication dans les négociations européennes l’a rendu plus sensible à la question du redressement des finances publiques françaises, traditionnelle pomme de discorde dans les relations franco-allemandes qu’aux subtilités des redécoupages politico-administratifs. En la matière, l’enjeu est d’abord pour lui d’envoyer des gages de sérieux aux partenaires européens de la France, pour faire avancer son agenda européen : c’est le sens des premières mesures qu’il impose aux collectivités avec un dispositif de plafonnement des dépenses de fonctionnement et de l’endettement des plus grandes collectivités. A contrario, en matière institutionnelle, Emmanuel Macron se montre nettement plus prudent ; d’autant plus prudent que son élection intervient sur fond de « fatigue » vis-à-vis des grands chantiers de réorganisation territoriale qui ont marqué les mandatures de ses deux prédécesseurs immédiats. Cette « fatigue » vis-à-vis des réformes institutionnelles semble partagée aussi bien dans les rangs des associations d’élus locaux (qui réclament une pause) que chez certains collaborateurs du président de la République.
[…]
Troisième hypothèse, la fabrique des politiques publiques est une fabrique collective, qui ne repose pas seulement sur les initiatives venues des sommets de l’État, mais qui doit composer avec les revendications de la base : si la formule peut paraître convenue, elle prend tout son sens sous la mandature Macron. Le cours de l’action gouvernementale s’infléchit sensiblement, en raison de l’intensité des critiques venues du monde territorial et des défis inattendus auxquels l’exécutif est confronté avec la crise des Gilets jaunes puis avec la crise sanitaire. Cette fabrique est bien sûr collective car le Président ne décide pas seul : il n’est souvent que la face la plus visible d’une configuration gouvernante mouvante, d’un exécutif politique dans lequel se mêlent technocrates et topocrates et au sein duquel les rapports de force évoluent. Les équipes à l’œuvre à l’Élysée et à Matignon mêlent des hauts fonctionnaires ayant respectivement travaillé sur les questions territoriales sous les mandatures de François Hollande, de Nicolas Sarkozy et de Jacques Chirac, et qui ont conservé la mémoire des tentatives de réforme antérieures comme de leurs échecs. L’exécutif macronien doit lui-même négocier avec ou se confronter à un monde territorial composite, et c’est là une spécificité qui doit d’emblée être relevée : ce monde est globalement mal disposé à son égard. »

Boutique Berger-Levrault

Consultez la fiche détaillée du livre « Emmanuel Macron et les réformes territoriales Finances et Institutions » de Patrick Le Lidec.

Vous avez la possibilité de le commander en ligne.

Commander en ligne