Maires démissionnaires, crise des vocations, défiance des citoyens : la démocratie locale, un temps épargnée, est mise à l’épreuve.

Données à l’appui, les auteurs dressent le portrait de l’élu local, bien loin de l’image d’Épinal du notable, bénévole et généraliste. Technicité des compétences, niveau de responsabilité et temps consacré au mandat : la politique est devenue un métier, y compris à l’échelon local. Le temps est venu de proposer une rémunération plus juste, de développer le droit à la formation ou encore de valoriser les compétences acquises au cours du mandat. Le temps de reconnaître un véritable statut professionnel de l’élu local.

S’éloignant du mythe du bénévolat et de l’amateurisme républicain, la politique devient ainsi un métier y compris à l’échelon local.

C’est d’ailleurs avec vigueur que les premiers intéressés revendiquent la reconnaissance d’un véritable statut professionnel de l’élu local. L’évolution de l’indemnité de fonction vers une rémunération plus juste, le développement du droit à la formation ou encore la reconnaissance des compétences acquises au cours du mandat font partie des demandes les plus fréquemment exprimées.

Au-delà de la satisfaction de ces revendications, que d’aucuns qualifieront de « corporatistes », reconnaître la professionnalisation des élus répond aussi à des enjeux politiques profonds. Cela permettrait de revivifier le versant représentatif de la démocratie locale, de contribuer à résoudre la crise des vocations mais aussi, pourquoi pas, d’en susciter de nouvelles ?

Assumer la professionnalisation de certains élus locaux n’est pas renoncer à un idéal républicain, c’est accepter, enfin, que l’idéal républicain évolue avec son temps !

Quelques-unes des questions auxquelles répond cet ouvrage :

  • Combien les élus locaux sont-ils rémunérés ?
  • Combien de temps les élus locaux doivent-ils consacrer à leur mandat ?
  • Âge, profession, qualification, genre : qui sont les élus d’aujourd’hui ?

Quelques propositions à contre courant :

  • Création d’un statut d’agent civique territorial
  • Augmentation des revenus des élus locaux
  • Encadrement du cumul des mandats dans le temps

En pleine campagne pour les élections municipales, un ouvrage pour en finir avec les clichés et qui brise les tabous !

Collection : Au fil du débat-Essais
Date de parution : 3 janvier 2020
Broché. 256 pages
Format : 14 x 20,5 cm
ISBN : 978-2-7013-1997-1
Réf. : 121694
Prix : 19 € TTC

Les auteurs

Éric Kerrouche, politologue et directeur de recherche au CNRS, a mené de nombreuses études sur les élus français et étrangers, notamment sur les Parlements et des parlementaires, sur la décentralisation et l’organisation territoriale en France et en Europe (avec un focus plus spécifique sur l’intercommunalité s’agissant du cas français) et sur l’opinion politique en France.
Élu local depuis près de vingt ans (président de communauté de commune Maremne Adour Côte Sud, adjoint à l’urbanisme de la mairie de Capbreton, conseiller régional Aquitaine Limousin Poitou-Charente), il est devenu sénateur des Landes en septembre 2017.

Élodie Lavignotte, docteure en science politique, est responsable du département de l’édition et du débat public à la DILA. Elle a auparavant été cheffe adjointe de service à la direction de la formation continue à l’ENA, après une expérience de plus de quinze ans de conseil en cabinet d’élus, ministériel et dans l’administration territoriale en France et en Afrique, acquérant ainsi une solide expertise interculturelle à la croisée de l’administratif et du poli-tique dans les domaines de la gouvernance territoriale, des politiques RH et de l’évaluation des politiques publiques.

Ils participèrent tous les deux à la « Table ronde des auteurs de travaux parlementaire et chercheurs spécialistes du statut de l’élu local » dans le cadre du rapport du Sénat, Faciliter l’exercice des mandats locaux : enjeux et perspectives ( 5 juill. 2018.).

Ils ont publié indépendamment et ensemble :

KERROUCHE É., « L’évolution des rôles parlementaires, éléments d’approche comparée », in COSTA O., KERROUCHE É. et MAGNETTE P. (dir.), Vers un renouveau du parlementarisme en Europe, 2004, Bruxelles, Éditions de l’ULB ; L’intercommunalité en France, 2008, Paris, Montchrestien ; “France and its 36 000 Communes: the Impossible Reform”, in BALDERSHEIM H. et ROSE L., Territorial Choice, The Politics of Boundaries and Borders, 2010, Palgrave Macmillan, p. 160-179 ; « Les conseillers municipaux : photographie d’un peuple méconnu », Pouvoirs locaux mars 2011, no 88-1, p. 96-102 ; « Notable », in COLE A., GUIGNER S. et PASQUIER R. (dir.), Dictionnaire des politiques territoriales, 2011, Paris, Presses de Sciences Po ;« Cumul », in KADA N., PASQUIER R., COURTECUISSE C. et AUBELLE V. (dir.), Dictionnaire encyclopédique de la décentralisation, 2017, Paris, Berger-Levrault ; Le blues des maires, 2018, Paris, Fondation Jean-Jaurès.

KERROUCHE É. et BEHM A.-S., « Les anonymes de la République : portrait des conseillers municipaux urbains », Pôle Sud 2013, no 39, p. 127-140.

KERROUCHE É. et LAVIGNOTTE É., « Vers un statut professionnel des élus municipaux en Europe ? », Pouvoirs 2000, no°95, p. 103-115 ; « Les élus locaux et la dimension pénale de la responsabilité publique : entre responsabilité et culpabilité », Politique et management public sept. 2001, vol. 19, no 3, p. 139-158 ; Les élus locaux en Europe, un statut en mutation, 2006, Paris, La Documentation française, Les études de la documentation ; Le statut des élus locaux en Europe, 2006, Paris, La Documentation française ; « Rémunérer autrement nos élus locaux », L’hémicycle, 1er oct. 2019.

LAVIGNOTTE É., Expertises et politiques européennes de développement local, 1999, Paris, L’Harmattan, logiques politiques.

Table des matières (extraits)

Introduction
Le statut des élus, une question récurrente
Le statut comme processus de traduction
Le statut (status) comme construit identitaire

1 – Vers un statut qui ne dit pas son nom

Introduction
La professionnalisation des fonctions électives : une avancée masquée

  • Les années 1980 et 1990 : rationaliser et rendre visible l’existant
  • Les années 2000 : améliorer les conditions d’exercice des mandats, protéger les élus
  • Les années 2010 : priorité à la moralisation de l’action publique

Persistance du mythe fondateur de l’élu bénévole de la République

  • La gratuité à tout prix
  • Un régime indemnitaire à plusieurs vitesses
  • Le refus de « faire carrière »

2 – Les élus face à leur statut : en quête d’ADN

Introduction
L’évolution des fonctions électives : le temps des professionnels

  • L’exercice d’un mandat électif : un impact non négligeable sur la vie
  • La difficile conciliation d’un mandat électif avec une carrière professionnelle : une réalité pesante

Les logiques nouvelles de l’engagement

  • Être élu, un sacerdoce aujourd’hui pesant
  • La tentation de l’abandon
  • Le doute sur la fonction : des élus des élus en quête de reconnaissance et de sécurité
  • L’instrumentalisation du registre de la crise

3 – Impensés et ratés d’un statut

Introduction
Les filtres de sélection du personnel politique

  • L’éligibilité juridique et financière comme filtre de sélection du personnel politique
  • Faire partie d’une liste : le résultat d’une subtile alchimie

La sociologie singulière des élus locaux

  • Âge, profession, qualification, genre : une fermeture sociale
  • La représentation des femmes : une parité de façade ?
  • Une diversité oubliée ?
  • Vers l’endogamie ? La montée en puissance des entourages locaux

Conclusion – En finir avec les clichés et briser les tabous
La nouvelle grammaire locale
En finir avec la valse-hésitation du statut

Extraits choisis

p 229 : sur les conséquences du renouvellement des carrières politiques
Aller vers une nouvelle démocratisation
Une nécessité d’éclaircissement induite par le nouveau modèle des carrières politiques
Les transformations que nous avons décrites plus haut renforcent l’affirmation d’un modèle de carrière. La diminution du nombre d’exécutifs comme la fin du cumul des mandats ont dessiné un nouveau paysage. S’ils se conjuguent, les deux mouvements n’ont pas la même perspective initiale. Dans le premier cas, il s’agit de favoriser les groupements intercommunaux. Cette réforme s’inscrit dans un processus incrémental qui, certes, se durcit progressivement, mais dont la finalité est double : accroître le processus de coopération entre communes tout en évitant un conflit trop fort entre le centre et sa périphérie. La variation à la baisse du nombre d’élus, et tout particulièrement de présidents en charge de ces structures, n’est qu’un des ricochets de la réforme et non le but visé. En revanche, la fin du cumul des mandats percute l’un des arrangements institutionnels les plus structurants de la Ve République. L’une des plus précieuses ressources de l’élu local, la détention simultanée d’un mandat parlementaire, disparaît. Avec elle s’efface également la régulation croisée au sein de laquelle les fonctionnaires s’appuyaient sur la légitimité politique des élus cumulants afin d’obtenir de la capitale les ressources nécessaires à l’action tandis que les élus « marchandaient » avec les services déconcentrés des moyens techniques et financiers utiles à la réalisation de leurs programmes politiques.

p. 225 : sur la démocratisation des fonctions électives locales
Du statut à la démocratisation des fonctions électives locales
Au terme de cette étude, une question se pose : faut-il faire des élus des professionnels de l’action publique comme les autres ? La professionnalisation des fonctions électives, si elle peut – et doit – être assumée n’en soulève pas moins trois enjeux :

  • un enjeu de socialisation professionnelle qui a une portée économique et sociale ;
  • un enjeu politique de normalisation en osant une approche décomplexée et réaliste du statut ;
  • enfin, un enjeu démocratique de transparence : il reste à inventer une nouvelle pédagogie de la démocratie non plus fondée sur la représentation d’un idéal-type de l’élu républicain mais sur la réalité sociologique et politique de l’exercice des fonctions électives.

L’ensemble de cet ouvrage démontre qu’au-delà de la concentration institutionnelle du pouvoir, c’est aussi une concentration sociale qui s’opère. Sans penser que les assemblées des institutions locales puissent être des représentations parfaites de toutes les composantes de la société, faut-il néanmoins se satisfaire que la probabilité d’exercer un pouvoir politique est d’autant plus forte que la position occupée dans la hiérarchie sociale est élevée ? Et donc que les femmes, certains statuts, certaines professions, certaines classes d’âge, n’aient pas une égale possibilité d’accès à une fonction élective ? En quoi ces personnes seraient-elles moins aptes et compétentes que d’autres à exercer un mandat ? Il est évident que cette situation n’est pas sans lien, en définitive, avec le contenu des politiques publiques menées localement. La représentation des élus reproduit, mais à une échelle encore plus prononcée, les inégalités professionnelles existantes.

p. 232 : sur la notion d’agent civique territorial
Nous reprenons à notre compte l’idée du statut d’agent civique territorial déjà évoqué dans le rapport Mauroy. […] Cette possibilité d’agent civique territorial n’est en rien une finalité.
Mais mettre en place un système clair et transparent de rémunération des élus accessible va plutôt selon nous dans le sens d’un renouveau de la vitalité démocratique et de la volonté d’assurer une meilleure représentativité de l’accès au mandat local. Cette direction paraît également être attendue par les Français. Il y a près de vingt ans, 77 % d’entre eux préféraient déjà, pour un maire de ville moyenne ou de grande ville, qu’il se consacre à plein temps à son mandat et soit rémunéré en tant que tel. Cette solution ouvre tout simplement à ceux qui sont actifs et surtout, nous l’espérons, aux plus jeunes, une voie alternative qui s’insère dans leur trajectoire professionnelle, le mandat devenant en ce sens une expérience professionnelle comme une autre. Cette évolution permettrait aussi de limiter l’endogamie et la multiplication des parcours politiques qui se font sans expérience professionnelle préalable ou qui n’ont pour perspective que de s’inscrire dans cette carrière. L’idée est bien de rendre possible le choix de l’engagement dans un exécutif et de faire en sorte que l’arbitrage entre mandat et profession – « surtout en début ou en milieu de carrière » – ne se fasse pas au détriment du premier. Nous ne pensons pas que cette solution à elle seule transformera du tout au tout la répartition sociale et professionnelle que nous avons mise au jour par ailleurs, mais elle est sans doute un élément qui apportera de l’air frais dans un système aujourd’hui à bout de souffle. Faire de l’exercice d’un mandat électif, une expérience professionnelle comme une autre, tel est l’enjeu du statut de l’élu aujourd’hui.

Contact presse

Boutique Berger-Levrault

Consultez la fiche détaillée du livre « Profession : élu.e local.e » écrit par Éric Kerrouche et Élodie Lavignotte.
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